La participation des enfants
De la participation au “protagonisme” :
- La participation des enfants pour les organisations internationales
- Revendiquons le protagonisme
- La participation, vecteur de démocratisation
Qu’est-ce que la participation des enfants ?
La participation des enfants s’adosse notamment à la Convention des Droits de l’Enfant de 1989. Les articles 12, 13 et 15 stipulent :
Droits des enfants
Art 12 : Liberté d’opinion
Art 13 : Liberté d’expression
Art 14 : Liberté de pensée, de conscience et de religion
Art 15 : Liberté d’association
Article 12
1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
Article 13
L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen au choix de l’enfant.
Article 15
1. Les États parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui.
L’enjeu consiste à savoir quelle interprétation donner à la notion de participation.
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La participation selon les organisations internationales
La lettre de la Convention insiste surtout sur la liberté d’expression des enfants. L’approche participative n’ y apparaît pas en tant que tel. La vision classique de la participation qui s’en dégage reste donc incomplète : l’enfant a certes un droit à la parole, un droit d’exprimer ses idées. La participation se réduit à un simple témoignage vidé de toute portée concrète. S’il est de bon ton d’interroger un enfant, de l’exhiber sur la tribune et de l’entendre dépeindre ses malheurs, qu’en est-il de l’impact réel de cette “participation” ?
Ici, les décisions prises par les adultes ne sont aucunement liées aux conclusions ou aux recommandations que peuvent émettre ces enfants. C’est ce que Michel Bonnet appelle un « enfant pot de fleur »[2]
Notre ambition est donc de développer une « culture de l’écoute des enfants ». Trop souvent, la participation se réduit à « la voix des enfants », lorsqu’il faudrait développer aussi « l’oreille des adultes ».
C’est aux adultes d’apprendre à accepter et respecter les opinions, éventuellement déconcertantes, des enfants et des jeunes, et de les examiner sans préjugés. Ceci, d’autant plus que l’article 12 de la Convention reconnaît à l’enfant une certaine capacité de discernement.
Parfois inattendues, les idées qu’émettent les enfants méritent toujours qu’on tente d’en comprendre les ressorts. Mais il est possible d’aller plus loin ; c’est le protagonisme.
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Revendiquons le protagonisme
Les organisations d’enfants travailleurs ont d’abord vocation à défendre une approche plus complète de la participation des enfants. C’est pour répondre à cette ambition que l’association péruvienne MANTHOC a eu recours à l’expression “protagonsimo” dans les années 70. L’action en faveur de l’expression des enfants doit tenir compte d’aspects tels que l’interactivité, la prise de responsabilité, la capacité de prendre part activement à la définition de choix pris par une certaine communauté. Entre le simple témoignage et le protagonisme la distinction est désormais clarifiée.
C’est pourquoi les Enfants et Jeunes Travailleurs (EJT) revendiquent non seulement le droit à la parole et à l’écoute, mais aussi celui d’être systématiquement consultés sur toutes questions les concernant, et à tous les niveaux de gouvernance (local, national et international).
Déclaration de Kundapur
Nous croyons que la participation n’est pas seulement une idée ponctuelle mais bien plus une philosophie qui devrait infuser toute action, toute intervention touchant à l’enfance. Cela suppose un nécessaire changement de paradigme.
Citons l’organisation Children As Partner, qui travaille avec l’Institut International pour les Droits de l’Enfant et pour le Développement (Université de Victoria, Canada). Il y a différentes vues de la participation, exposées dans le livre Drawing on work, écrit par Louise Chawla, Roger Hart, Gerison Lansdown, Rakesh Ranjani :
Some definitions of child participation include:
• Partaking in and influencing process, decisions, and activities
• Engagement with other people around issues that concern their individual and collective life conditions.
Different meanings of participation include:
• (a) seeking information, forming views, expressing ideas;
• (b) taking part in activities and processes;
• (c) playing different roles including listening, reflecting, researching, speaking;
• (d) being informed and consulted in decision making;
• (e) Initiating ideas, processes, proposals, projects;
• (f) analyzing situations and making choices;
• (g) respecting others and being treated with dignity
Les interventions des EJTs au cours des conférences internationales sont bien différentes du simple témoignage, et ce par la conjugaison de quatre éléments principaux:
1) les EJT parlent ensemble
2) ils fixent eux-mêmes ce qu’ils ont à dire
3) leur parole est directement liée à une action
4) leur prise de parole est organisée avec une approche parallèle chez les adultes[3].
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La participation, vecteur de démocratisation
Le protagonisme des jeunes au sein des organisations d’enfants travailleurs leur permet d’être mieux équipés pour développer des relations constructives entre eux, et ainsi faire mieux face aux violences auxquelles ils sont soumis (exploitation, violence des policiers pour les enfants des rues ou de leur employeur pour les travailleurs domestiques par exemple).
De plus, au cours de leurs réunions, meetings, Conseils, les jeunes ont l’occasion d’intégrer les pratiques et valeurs démocratiques : égalité des participants, droit à la parole, liberté d’expression, nécessité d’établir un consensus en faisant des compromis. Ceci constitue un apprentissage concret et direct des règles démocratiques, qui pourront ensuite être transférées dans l’exercice d’une citoyenneté active. D’autant plus que dans de nombreuses organisations, il y a des mécanismes de désignation du président de réunion, des chefs, des « grands frères », des représentants et des délégués, qui s’appuient sur le modèle électoral.
Ici le terme de démocratisation renvoie donc tant au système politique qu’aux valeurs traditionnellement reconnues dans ces systèmes : liberté d’expression, droit de vote, égalité entre les citoyens sans distinction de race, sexe, caste, religion…
L’engagement de ces jeunes au sein de ces organisations a un effet bénéfique sur eux, et leur permet de développer une confiance en eux, et un apprentissage de la vie en communauté, à partir d’expériences de concertation, de recherche du compromis, et de négociation.