Historique des organisations d’enfants travailleurs
L’apparition des premières organisations d’enfants travailleurs remonte aux années 1970, en Amérique Latine, puis en Asie en 90 et en Afrique en 94. Le mouvement mondial quant à lui s’est réuni pour la première fois en 1996.
Mouvement mondial
La première rencontre internationale eut lieu à Kundapur, en Inde, en 1996. Elle réunissait 29 enfants travailleurs délégués de 33 pays d’Asie, Amérique Latine et Afrique. En exposant leurs expériences, ils ont réalisé qu’ils partageaient de nombreux points communs, tant dans les actions que dans les problèmes. Ils ont alors établi une plateforme en dix points, connue sous le nom de Déclaration de Kundapur, qui devint par la suite la base du protagonsime et de la solidarité internationale des EJT
Suite à cette conférence, les rencontres entre EJT se sont multipliées, au moins au niveau régional. Le mouvement international des EJT s’est à nouveau retrouvé en 1998 à Dakar où ils ont décidé de la création d’un comité d’organisation composé d’un délégué par continent, puis en 2002 à Milan et enfin, la dernière réunion remonte à 2004 à Berlin. Une partie de l’activité des organisations d’enfants travailleurs consiste à maintenir et consolider ce réseau international, et tenter de créer des liens plus solides avec les organisations internationales et les ONG du monde occidental. En Europe, les EJT ont trouvé un relais solide dans des organisations en Allemagne et en Italie[1], qui reprennent l’appellation de NAT (EJT en espagnol) et tentent de diffuser leurs actions.
En plus de ces rencontres dédiées aux EJT, ces derniers, face au manque de ressources, considèrent que chaque occasion de rencontre, telle qu’une conférence internationale à laquelle ils sont individuellement invités, doit faire l’objet d’une rencontre d’EJT. Nous verrons dans le prochain chapitre un historique de ce type de rencontres.
Le mouvement mondial est constitué de tous les membres des mouvements régionaux, soit des organisations d’enfants travailleurs locales ou nationales présentes dans 32 pays.
Durant la rencontre de Sienne, le MMEJT s’est doté d’une structure et d’un plan d’action. Il a été décidé que le MMEJT aurait une Assemblée générale qui devrait se réunir tous les 3 ans, comprenant 9 EJT par continents, et 4 accompagnateurs, à l’exception de l’Asie car les accompagnateurs sont des traducteurs, qui pourra donc avoir 9 accompagnateurs, mais seulement quatre d’entre eux auront le droit d’intervenir. L’âge maximum a été fixé, après une âpre négociation, à 23 ans pour les Africains, et 18 pour les Asiatiques et les Latino américains.
De plus, une Coordination mondiale a été créée, composée de 3 EJT, dont deux de moins de 18 ans, par continents et un accompagnateur, sauf pour l’Asie qui en a trois. Cette coordination doit se réunir tous les deux ans, et elle a pour mission de planifier l’Assemblée générale et de s’assurer que le plan d’action voté en Assemblée générale soit suivi.
Chronologie des rencontres
1997 – Brésil, rencontre préparatoire pour la 1e Rencontre Internationale
1997 – Gorée, rencontre préparatoire pour la 1e Rencontre Internationale
1996 – Kundapur, 1e Rencontre Internationale des EJT
1997 – Lima, rencontre préparatoire pour la 2e Rencontre Internationale
1998 – Dakar, rencontre préparatoire pour la 2e Rencontre Internationale
2002 – Milan, rencontre préparatoire pour la 2e Rencontre Internationale
2004 – Berlin, 2e Rencontre Internationale des EJT
2005 – Kundapur, rencontre préparatoire pour la 3e Rencontre Internationale
2006 – Sienne, 3e Rencontre Internationale des EJT
De part leurs activités locales et internationales, les organisations d’enfants travailleurs nous invitent et nous contraignent à sortir de la vision misérabiliste que les médias nous donnent sur le travail des enfants et sur ses “victimes” : « qui apparaissent victimes de l’exploitation d’employeurs sans scrupules, éloignés de leur famille, obligés à abandonner leurs études pour gagner les quelques centimes qui leur permettront de survivre et premier maillon d’une chaîne infernale qui condamnera irrémédiablement leurs descendants à la marginalité. »[3] Ils apparaissent comme des acteurs importants, qui mesurent les enjeux de leur situation et qui demandent à être consultés. Leur revendication, supportée un nombre croissant d’ONG, d’intellectuels et d’experts, prends la forme du « droit à la participation ».
Mouvement latino américain des NATs
Le processus de formation du Molacnats tire son origine dans la création du Mouvement des EJT fils d’ouvriers chrétiens, Manthoc, au Pérou, en 1978, première organisation d’enfants travailleurs. Dès 1979, le Manthoc commença à attirer l’attention des autres pays du continent. De même pour le mouvement brésilien, apparu à la même époque. Au début des organisations puis des coordinations nationales d’enfants « auto-organisés », certains avec plusieurs milliers de membres, ont commencé à se développer dans les autres pays, et à se rencontrer lors d’évènements régionaux.
En 1988, alors que le Manthoc fêtait son 10e anniversaire, les organisations présentent décidèrent de continuer à se rencontrer afin de partager leurs expériences en tant qu’organisations d’Enfants et Jeunes Travailleurs.
L’articulation de ces mouvements était aussi facilitée, en un sens, par la réalité des mouvements sociaux en Amérique du Sud, tels que la lutte pour les droits de l’homme en général, ou celle pour la reconnaissance des droits des indigènes, ou des femmes, ou des enfants, en particulier.
Chronologie des rencontres
1988 – 1e Rencontre du MOLACNAT, Lima – Pérou
1990 – 2e Rencontre du MOLACNAT, Buenos Aires – Argentine
1992 – 3e Rencontre du MOLACNAT, Antigua Guatemala – Guatemala
1995 – 4e Rencontre du MOLACNAT, Santa Cruz de la Sierra – Bolivie
1997 – 5e Rencontre du MOLACNAT, Lima – Pérou
2001 – 6e Rencontre du MOLACNAT, Asunción – Paraguay
2008 – 7e Rencontre du MOLACNAT, Cachipay – Colombie
Mouvement asiatique des Working Children
Le mouvement asiatique a une histoire particulière car si le mouvement régional existe depuis seulement deux ans, l’Asie a néanmoins été représentée dès le début du mouvement mondial sur la scène internationale au travers des organisations d’enfants travailleurs indiennes. Il convient donc de traiter de l’histoire de ce mouvement en deux temps, tout d’abord l’évolution des organisations en Inde, puis le processus de création d’un mouvement régional.
En Inde, Bhima Sangha a vu le jour en 1989, lorsque le Concerned for Working Children (CWC) lança un centre de documentation et de recherche pour les jeunes travailleurs. Aujourd’hui l’association, qui se définit comme un syndicat d’EJT, compte plus 13,000 membres dans quatre districts de l’Etat du Karnataka.
La création de Bal Mazdoor Union, le syndicat d’enfants de la ville de New Delhi, illustre la capacité de mobilisation des EJT et leur ténacité. Les enfants ont mis 4 ans à accepter l’importance de se syndiquer. La demande d’enregistrement auprès des syndicats a été refusée sur la base du Trade Union Act de 1925 qui stipule que toute personne de moins de 15 ans ne peut être membre d’un syndicat, ni ne peut en fonder un. Les EJT ont alors soumis une pétition à la Cour Suprême de Delhi, mais elle a été écartée sous prétexte que les enfants ne peuvent établir de contrat avec des adultes. Ils en ont appelé à la Cour Suprême, et leur pétition a été acceptée en s’appuyant sur l’article 15 de la CDE, qui indique les enfants ont le droit d’association. La Cour Suprême a alors ordonné au gouvernement de l’Inde de répondre à la pétition qui demande pourquoi le syndicat Bal Mazdoor ne peut être légalement enregistré. C’est la première fois qu’un syndicat d’enfants s’est présenté à un tribunal[1].
La situation change en 1999, lorsque Bhima Sangha et deux autres organisations, Ele Nakshatra et Hasiru Sangha, initient le Mouvement National d’Enfants Travailleurs, aujourd’hui composé de neuf membres. Bal Mazdoor, pour des raisons assez peu claires n’a toujours pas souhaité rentrer dans le mouvement national. Ce qui pose des problèmes de représentations lors d’invitation à des rencontres régionales ou internationales, car Bal Mazdoor, qui ne représente qu’une organisation dans la seule ville de New Delhi, reçoit une invitation, et le Mouvement National, qui représente neuf organisations dont la plus importante numériquement, Bhima Sangha, en reçoit aussi une seule.
Le mouvement asiatique trouve donc son inspiration dans ces organisations indiennes, mais aussi dans le processus dit de Kundapur, qui renvoie à la première rencontre internationale des enfants travailleurs, tenue à Kundapur en 1996. La toute première rencontre des enfants asiatiques remonte à quelques mois avant celle de Kundapur afin qu’ils se préparent à cette dernière. Les délégués asiatiques, certains membres des deux seules organisations d’enfants travailleurs existantes (Bhima Sangha et Bal Mazdoor), d’autres de clubs, et d’autres encore plus ou moins « indépendants », sont restés ensemble jusqu’à la conférence de l’OIT à Amsterdam en 1997, puis après, seuls les Indiens ont continué de participer en tant que mouvements organisés.
L’idée d’un mouvement régional fut discutée sérieusement durant la rencontre préparatoire des EJT de Milan en 2002, où les organisations indiennes décidèrent de commencer à chercher des partenaires dans le reste du continent, avec lesquels ils devraient s’unir. Des liens existaient déjà entre des organisations d’appui (adult support organisations). De plus, le thème la participation des enfants en soi, et les organisations d’enfants commençaient à obtenir une audience plus large, et à gagner en reconnaissance dans la région, avec notamment la contribution des programmes de renforcement des capacités du CWC[2] à destination de diverses ONG traitant des questions du travail des enfants. Certaines d’entre elles étaient d’ailleurs activement impliquées dans la Marche Globale contre le Travail des Enfants qui suit une démarche abolitionniste et dont nous parlerons plus en détail dans le chapitre suivant. Le CWIN, Népal, était même le secrétariat asiatique de la Marche. Mais en introduisant plus de participation au sein de leur organisation, les adultes ont pu entendre un message différent de la part des enfants de ce qu’ils défendaient en leur nom ultérieurement.
Au Bangladesh, Les Brigades d’enfants ont initié le Mouvement au niveau national dès 1995. Au Sri Lanka, le Mouvement des Enfants Interactifs a été initié par les enfants des rues et les enfants travailleurs en 1996. Au Népal, le Forum participatif a initié le Mouvement en 1996. Au Pakistan, le club des Droits de l’enfant PRSWSWO a initié le Mouvement d’EJT en 1998. Au Tadjikistan, le mouvement, Groupe d’Enfants Travailleurs, a été initié en 2005 par les enfants de la rue et les enfants travailleurs
Il en résulta la création du Mouvement asiatique, lors de la 2e Rencontre Internationale des EJT à Berlin en 2004, après que les délégués en provenance de l’Inde, du Bangladesh, et du Népal (l’enfant pakistanais s’étant vu refuser son visa, il était absent) se réunirent séparément. Ils organisèrent leur 2e Rencontre en 2005, à Katmandu, avec d’avantage de membres : Mongolie, Tadjikistan, et Sri Lanka. Quarante enfants du Bangladesh, de l’Inde, Népal, Pakistan, Sri Lanka, Tadjikistan participèrent. L’Afghanistan et la Mongolie ne purent venir en raison de problèmes dans leur pays. Les enfants délégués ont alors, de façon formelle, créé le Mouvement d’Asie du Sud et Central et publié la Déclaration de Kathmandu demandant des droits pour les EJT. Les enfants délégués ont décidé que deux enfants et un adulte de chaque pays composerait le comité de coordination de l’Asie du Sud et Central. A Kathmandu, les enfants ont décidé de se rencontrer régulièrement et d’initier des actions du Mouvement, mais faute de ressources, aucune autre rencontre n’a eu lieu.
Il faut noter un désaccord entre la version donnée au CWC qui place la création du mouvement à la Rencontre de Berlin en 2004, et celle fournit par les EJT lors de la rencontre de Sienne en 2006, qui considèrent que le mouvement a été crée à Kathmandu en 2005.
Chronologie des rencontres
1996 – Rencontre préparatoire asiatique d’enfants travailleurs, Bangalore
1996 – Rencontre de 5000 EJT à Bangalore
2002 – Création du Mouvement asiatique, Berlin
2005 – Convergence des enfants travailleurs de l’Asie Centrale et Australe, Kathmandu
Mouvement africain des EJT
En Afrique, le mouvement est parti du Sénégal autour des petites domestiques de Dakar. Alors qu’elles étaient réunies un après-midi pour une récréation organisée par leurs « encadreurs », elles décidèrent de se réunir régulièrement et d’organiser une manifestation le jour du 1er mai, pour exposer leurs conditions de travail et leurs doléances. Elles ont mis un an à mettre la manifestation en place, et ainsi en 1994 eu lieu la première marche. En partant de cette expérience, elles se sont mises en contacts avec d’autres EJT sénégalais, mais aussi maliens, béninois et ivoiriens. Ils se sont alors rencontrés peu de temps plus tard, à Bouaké en Côte d’Ivoire. De cette réunion est né le MAEJT. Il s’est ensuite répandu sur le reste du continent, avec l’aide des Missions d’Appui Techniques, formations dispensées par les aînés et que le mouvement a mises en place. C’est donc un mouvement très intégré, avec une forte identité, car les membres sont organisés selon le même schéma dans tout le continent.
Chronologie
1994 – 1e Rencontre du MAEJT, Bouaké
2000 – 5e Rencontre du MAEJT, Bamako
2003 – 6 e Rencontre du MAEJT, Thiès , Formation des coordinations sous-régionales
2006 – 7 e Rencontre du MAEJT, Ouagadougou
[1] respectivement Pronats et Italianats
[2] Discours de clôture de la rencontre, prononcé par Aldo Prestipino, Président d’Italianats, Sienne, octobre 2006[3] Isabel Baufumé, Leur vie dans leur ville, les enfants qui travaillent dans les rues à Cusco, Association Qosqo Maki, Cusco, 1998
[1] Article CWA, Butterflies
[2] Des formations ont été dispensées, par le biais de Dhruva, au Sri Lanka, Nepal, Bangladesh, et en Mongolie.
Voir aussi : l’introduction, la structure, les activités, les différents messages, les déclarations, le rôle des adultes.