Message des Enfants et Jeunes Travailleurs
Quel est le message des Enfants et Jeunes Travailleurs ? Voici quelques éclaircissements sur différents points de ce message.
- Pas de définition du « travail »
- Distinction entre “bon” et “mauvais” travail
- Différences de points de vue concernant les politiques et les programmes de l’OIT
- Le droit à une « bonne éducation », ou éducation appropriée
- « Droit au travail », «Droit de choisir »
- Les positions des organisations d’enfants travailleurs et la réalité de la vie des EJT.
- Points communs : “Droits” et “Respect”
- Grâce au bon travail, les enfants se voient comme protagonistes dans la société et réalisent leur droit à être citoyens.
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Pas de définition du « travail »
Il est intéressant de noter qu’aucun des mouvements, dans aucune de leur déclaration, ne se soit soumis à un exercice pourtant familier des chercheurs en sciences sociales – la définition de l’objet. Les EJT n’ont pas définition formelle du « travail » : est-ce une activité rémunérée ou non ? Les tâches domestiques sont-elles du travail ?Les EJT n’ont pas ressentit le besoin d’un tel exercice. A travers leurs déclarations, l’on peut comprendre que le travail renvoie à toute sorte d’activité, rémunérée ou pas, dans la maison ou dehors, qui n’est ni une activité de repos ni l’école, et qui s’intègre dans la famille ou dans la communauté.
- Distinction entre “bon” et “mauvais” travail
Régionalement, les mouvements n’ont pas la même approche pour faire la distinction entre bon et mauvais travail. En Asie, cette distinction est très claire, et est aussi exprimée en termes de « travail que nous pouvons et ne pouvons pas faire », ou encore « travail et labeur » (en anglais, « work and labour »). Cette distinction est essentielle car c’est sur elle que repose le consensus entre des organisations très diverses. Elle est donc examinée avec précision, et décrite exhaustivement. En revanche les autres mouvements n’ont pas la même approche, ils préfèrent celle des conditions de travail. Le mouvement africain l’appelle « un travail léger et limité », alors que le mouvement sud américain se contente de « travail », avec le sous-entendu qu’il remplit les conditions d’un « bon travail ». Principalement, les conditions de mauvais travail sont l’exploitation et la discrimination, qui ne laisse aucun temps pour la récréation et pour l’éducation.
- Différences de points de vue concernant les politiques et les programmes de l’OIT
Les mouvements régionaux ont des positions différentes au sujet de la Convention 182 de l’OIT sur les Pires Formes du Travail des Enfants. Les mouvements sud américains sont clairement opposés à la convention, alors que les mouvements africains la soutiennent, et reçoivent l’appui de l’OIT pour certains de leurs programmes. Les organisations indiennes ont pris des positions très claires à l’encontre des politiques de l’OIT, et ont participé activement pour donner leur réponse à l’OIT. Mais les autres membres du mouvement asiatique, qui se sont formés pour certains près de 10 ans après le processus de l’OIT, n’ont pas encore énoncé de positions aussi précisément que leurs homologues indiens. Quoiqu’il en soit, les mouvements asiatiques partagent tous fortement la même préoccupation que tout programme doit tout d’abord prendre en considération l’intérêt premier de l’enfant, et lui assurer des alternatives durables et appropriées.Dans tous les cas, les mouvements sont tous d’accord pour affirmer que la Convention 138, qui interdit le travail sur le seul critère de l’âge, n’est pas pertinente, car d’autres éléments doivent être pris en considération, comme les capacités ou le sexe d’un enfant en particulier.
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Le droit à une « bonne éducation », ou éducation appropriée
Les EJT considèrent que l’éducation est un droit. Pour aucun de leur mouvement, le travail doit se faire au détriment de l’éducation, d’ailleurs, pour pouvoir être considéré comme « bon », le travail doit laisser aux enfants du temps pour l’éducation. Mais de la même façon que les EJT définissent le « bon travail », ils définissent une « bonne éducation », et ils sont très critiques sur les systèmes actuels. De plus, ils défendent l’idée que le travail leur fournit une source d’apprentissage alternative.
- « Droit au travail », «Droit de choisir »
Il existe une différence essentielle entre les mouvements sur la question du « droit » au travail. On peut dénombrer deux types de revendication concernant le travail : la première, la valorisation critique du travail des enfants, affirme à la fois le travail des enfants comme une valeur positive et un droit, qui met en avant les aspects positifs du travail, tout en critiquant les conditions dans lesquelles les enfants sont contraints à travailler. L’enfant travailleur est considéré comme quelqu’un qui apporte sa contribution à la société et qui a donc le droit à en être un protagoniste. Ceci concerne surtout les mouvements sud-américains.
La dernière stratégie affirme que le travail est une nécessité, que le travail des enfants n’est pas souhaitable mais tant que les conditions économiques ne permettront pas aux enfants de ne pas travailler, il faut encadrer le travail afin que les enfants soient protégés. Les enfants travailleurs ne défendent pas tous le droit au travail comme quelque chose de normativement positif, certains acceptent l’idée qu’à terme, qu’un jour les enfants n’auront plus besoin de travailler, mais en attendant, leur travail est une nécessité pour leur survie et celle de leur famille, aussi les politiques brutalement abolitionnistes ne répondent-elles pas selon eux, à l’intérêt supérieur de l’enfant car elle les laisse dans une zone de non droit et donc sans protection. En revanche, cette stratégie défend le « droit à une éducation qui inclue des éléments de travail ». Dans le second cas, le travail doit être intégré à l’éducation, pas seulement en tant qu’activité, mais aussi une éducation aux questions relatives au travail (hygiène, possibilités d’emploi, aptitudes individuelles, management…) Ceci reflète davantage la position des organisations indiennes en particulier mais aussi asiatiques et africaines.
Sur cette base, les différents mouvements se sont mis d’accord sur le « droit de choisir entre travailler ou non » (Déclaration du MMEJT à Dakar). Et cela implique non seulement de posséder ce droit, mais aussi d’être en position de l’exercer, c’est-à-dire de ne pas être contraint par la pauvreté à gagner sa vie.
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Les positions des organisations d’enfants travailleurs et la réalité de la vie des EJT.
Au cours d’interviews et de discussion avec des EJT, nombre d’entre eux, de tous les continents, mettent en avant le besoin de travailler, afin de gagner l’argent nécessaire à se nourrir, se loger, aller à l’école, etc… On ne doit surtout pas confondre les positions que défendent les organisations d’enfants travailleurs et la réalité que vivent la plupart des EJT. En fait, la majorité d’entre eux est contrainte par une situation économique désastreuse, à travailler dans des conditions très dures. Ce que les EJT réclament n’est pas le maintien de leur situation, mais bien un droit à un « bon travail » dont la majorité d’entre eux ne font pas l’expérience.
- Points communs : « Droits » et « Respect »
Il est fascinant de noter que non seulement dans les déclarations internationales, mais aussi dans la moindre déclaration régionale ou nationale, les EJT font sans cesse appel aux notions de « droits » et de « respect » / « dignité » pour eux mêmes, et pas seulement à des notions de survie. Ce faisant, les mouvements souscrivent à une approche démocratique, ce qui nous conduit à la dernière observation.
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Grâce au bon travail, les enfants se voient comme protagonistes dans la société et réalisent leur droit à être citoyens.
Dans les extraits de déclarations cités ici, les enfants insistent sur la contribution qu’ils apportent à leur famille, leur communauté et la société, à travers leur travail.Les mouvements d’EJT affirment que le bon travail a une valeur positive, qui leur apporte force et confiance en eux, qui leur permet de participer au sein de la société, et qui constitue une source alternative d’apprentissage.C’est pourquoi, ils affirment que le travail n’est pas seulement bien pour les enfants pauvres, mais pour tous les enfants.Les EJT ne parlent pas que de travail, mais ils ont aussi des prises de positions fermes sur d’autres sujets qui ont un impact sur leur vie de tous les jours, tels que les relations entre adultes et enfants, les questions de genre, ou d’équité. Les mouvements d’EJT ont une compréhension fine du monde qui les entoure, et ils sont porteurs d’une vision.Cela parce qu’ils n’ont pas qu’une identité de travailleur ou d’enfant. Au-delà de ces deux éléments, ils se voient comme des individus, comme des personnes, comme des citoyens. Et c’est de par leur présence qu’ils veulent être entendus, et non juste par leur qualité d’enfant travailleur. Ils réclament donc le droit à être protagonistes dans toutes les arènes qui influent sur leur vie, et à participer d’une façon démocratique.
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Le droit à la participation, au « protagonisme »
Leur revendication de « participation des enfants » s’appuie sur une base légale : la Convention des Droits de l’Enfant de 1989.
Voir aussi : l’introduction, la structure, les activités, l’historique, les déclarations, le rôle des adultes.